Légitimement féministe, ou non ?



“Je déteste quand le féminisme devient trop normatif, après avoir tant lutté contre les normes.”

Camille Froidevaux-Metterie



Cela fait un moment que je n'ai pas reparlé de féminisme, tout simplement parce que je bloque sur l'écriture d'un article que j'ai en brouillon depuis six mois. Et pour cause. Je suis perdue. J'essaie de faire au mieux. D'être une "bonne" féministe. Sauf que le fait est qu'être féministe, ce n'est pas comme être artisan boulanger, spationaute ou médecin. Ce n'est pas un métier. C'est être partisan-e d'un mouvement d'idées. Or il n'y a pas vraiment de mode d'emploi dans ce cas-ci. Les avis divergent, les opinions varient, c'est normal, et je dirais même heureusement. Mais je n'arrive pas à m'y retrouver. Je me pose toutes sortes de questions plus ou moins pertinentes. Est-ce qu'apprécier un film ne respectant pas le test de Bechdel est considéré comme du mauvais féminisme ? Est-ce qu'avoir un homme comme modèle ou idole est contre les valeurs féministes ? 

Je suis une femme (ouais soyons fous, disons femme) translucide blanche, caucasienne, cis-hétéro (a priori), ni pauvre ni riche. Mis à part le fait d'être une femme, on peut dire que je n'appartiens à aucune minorité (enfin ce qui est considéré comme étant une minorité). De ce fait, j'ai l'impression de me sentir moins légitime dans le fait de parler de féminisme. On peut dire que j'ai de la chance, je ne subis aucune discrimination, puisque j'appartiens à ce que la société occidentale, voire la société bien franchouillarde, considère comme la norme. Bordel qu'est-ce que je déteste ce mot. 

J'ai l'impression qu'il est de plus en plus mal vu de défendre la cause féministe lorsque l'on est une femme favorisée. Les critiques fusent plus facilement. "Arrête de te plaindre ?", "Il y a des gens qui ont de vrais problèmes", ... Je ne blâme personne, c'est juste un sentiment général que j'ai relevé en voguant sur le world wild web français. Du coup, appartenant à cette majorité privilégiée, je ne me sens pas vraiment légitime en ce qui concerne les combats féministes. J'appréhende de dire une bêtise, d'omettre un point important. Je crains de blesser quelqu'un par inadvertance. Je redoute aussi le fait d'être en désaccord avec quelqu'un, de ne pas savoir argumenter, d'avoir tord. Je sais pourtant que le débat peut-être bon, enrichissant et permet d'évoluer. Il faut dire que les réactions peuvent être tellement violentes sur la toile que je n'ose rien dire, de peur de me faire lyncher. 

J'ai peur de l'engagement de manière générale. Ou plutôt j'ai peur des conséquences de l'engagement. Alors je reste passive. C'est nul. C'est même pas mal lâche. Pourtant, il s'agit de quelque chose qui me tient à coeur. Néanmoins j'ai envie de le créer ce fameux débat. D'échanger, de partager des avis avec des nanas diverses et variées. Avec n'importe quelle personne, du moment qu'elle soit ouverte (les cons ce n'est pas la peine). J'ai envie d'écrire simplement sur le féminisme. De transmettre des idées toutes bêtes, probablement basiques, mais qui me semblent importantes. De parler de trucs sûrement à la con, penseront les personnes les plus aguerries sur le sujet. J'ai envie de montrer au gens qu'il faut être tolérant. Ouais, même si t'aime pas la jupe de la meuf là-bas. Je m'égare, je développerai ce sujet plus tard.

Oui je suis perdue. Oui je flippe ma race de dire des conneries. Oui je vais probablement me tromper sur certains points, mais c'est comme cela qu'on apprend parait-il. Oui je ne serai pas une féministe parfaite (spoiler : c'est un mythe). Tant pis. Tel Richard Coeur de Lion, ou plutôt Roberta Palpitant de Panthère (j'ai trouvé mon nouveau pseudo), je serai sans peur. C'est déjà ça. Pour les reproches je ne garantis rien. Je vais prendre une bonne résolution en avance.


C'est décidé, en 2017, j'ouvre ma gueule. 

La bise


16 commentaires

  1. Ouiii va y je te soutiens à mort ! Et c'est certain que c'est un sujet ultra complexe et qu'on évolue soi-même beaucoup je crois, qu'on affine plein de trucs (en tous cas c'est mon cas), mais il faut bien se lancer ;)

    Je suis en train de finir mon mémoire qui parle de féminisme et de genre (en fait je l'imprime demain ahah) et je sais très bien que dans un an si je le relis j'aurai sûrement évolué, mais en même temps écrire ça permet d'approfondir vraiment les choses, on avance beaucoup plus vite !

    Des kiss et à bientôt j'espère pour ce shooting fantasmé !
    Laurie (de Curio)

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    1. Ça y est, c'est parti je me lance ahah ! Ton mémoire doit être hyper intéressant :)
      Des bisous et oui, à très bientôt !

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  2. Yeaaaaah merci pour cette "intro" qui déchire !J'ai hâte de lire ce que tu as à dire. Je lis ton blog mais je n'écris jamais mais voilà je vais m'exprimer également. Depuis quelques mois,enfin depuis presque 1 an maintenant, je me pose de plus en plus de questions, sur ce que je suis, ce que je vis, qui je suis ou encore ma place dans la société. Mais plus les mois passent, plus les questions fusent. Une réponse amène une nouvelle interrogation, c'est un putain cercle vicieux. Mais j'aime ça ! J'aime refuser de me laisser porter dans une société construite par d'autres et le seul moyen de me sentir à ma place c'est de la comprendre et exprimer haut et fort mon regard critique. En septembre j'ai fait ma rentrée à l'université et parmi mes découvertes j'ai rencontré des femmes, des hommes qui ont des idées, des avis concrets sur la vie, sur les choses et c'est vraiment fantastique. Depuis 3 mois j'ose le dire, je suis féministe. Je suis loin de tout connaitre sur le sujet, sur l'histoire passée et les combats à venir mais j'y travaille. Je cherche à comprendre qui je suis au travers des livres, des conversations, des rencontres, déconstruire les stéréotypes pour mieux comprendre leur origine et les détruire. J'ai commencé à étudier la question du genre( yeaah gender studies en force ) et c'est passionnant. Il reste tellement à faire mais finalement, nous sommes peut être le futur ? C'est pas toujours facile de faire face à des réactions négatives quand tu dis que tu es féministe, quand tu assistes à des paroles stupides mais je prends aujourd'hui un malin plaisir à y répondre et parfois même, réussir à changer les opinions et les mettre face à leur connerie. Je pense que le plus difficile se trouve au moment de faire un choix, d'assumer intérieurement ET extérieurement ses convictions. A ce moment là, le combat commence et ouvrir sa gueule devient une évidence.Félicitation pour cet article, j'ai un blog également et je sais à quel point les premiers mots sont décisifs, j'ai hâte de découvrir la suite te concernant, je suis heureuse que tu prennes la parole sur le sujet, c'est à force de réflexions, d'écrits et d'actions que l'on peut faire évoluer le monde dans lequel nous vivons !
    Bisous, Cathy

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    1. Merci Cathy ! C'est en lisant des commentaires comme le tien que je me rends compte que j'ai vraiment envie de parler de ce sujet, je donner mon avis et d'échanger avec les gens pour évoluer ! Et puis nos sommes la génération de demain, alors si on ne s'intéresse pas à cela, qui le fera ?
      Au plaisir de plus échanger :)
      La bise

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  3. Hello!
    Je découvre ton blog avec la grande Une sur HC!
    Je trouve ton propos très juste, des fois on se sent moins légitime à parler de certaines choses... mais faut-il être étranger/d'origine étrangère pour être sensible aux racismes qu'ils subissent? Faut-il être gay pour défendre les droits des homosexuels? Non je ne pense pas. On a le droit d'être outrée et heureusement parce que si on commence à se battre que pour des causes qui nous concernent... Bah personne se battrait pour le bien être animal. Je suis pas une vache donc je me fiche de ce qu'il se passe dans les abattoirs. Ou des chiens battus. Ou... ou... Bref je caricature à mort, mais on a le droit de défendre le droit des autres, et pas que les nôtres! Heureusement, parce que ça veut dire aussi que les autres peuvent se battre pour nous!
    Alors comme tu dis si bien dans ta conclusion: ouvre ta gueule! :)

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    1. Tu as bien raison, c'est pour cela que j'ai décidé de parler, moi aussi. Peut-être que cela sera très minime, mais si je peux ajouter ma pierre à l'édifice (même si c'est juste un gravillon), alors pourquoi ne pas le faire ?!
      La bise :)

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  4. Super article. Je trouve incroyable comment certains on réussi de coller un label négatif au mot féministe, ils ont réussi à créer l'image de la féministe très "masculine", dépourvue de féminité. POurtant, on devrait toutes êtres féministe, car ca ne veut pas dire qu'on est MEILLEURS que les hommes, ca ne veut pas dire qu'on est COMME les hommes, mais qu'on "vaut" la même chose.

    Tu dis que tu n'es pas discriminée, et tant mieux si tu ne le resens pas, mais on est TOUTES (même toi, sans t'en rendre compte !) discriminées par une société qui, depuis le moment ou on née, nous confère des rôles dépourvue de toute justice et équité. Je ne parle pas que du salaire, du fait qu'une femme en France meurt tous les trois jours sous les coups d'un homme, qu'en temps de guerre elles sont les premières à mourir, à être violée etc. Ca, ca fait les unes, la presse en parle...mais les discriminations sont dans notre quotidien, tellement ancrées qu'on ne les voit même plus parfois...c'est vraiment partout.

    Autre pensée: Etre féministe, ce n'est pas rejoindre une association, avoir lu tel ou tel livre, etc blabla..beaucoup de gens le croient et ceux qui "agissent" ainsi donnent parfois même une mauvaise image de ce qu'est le féminisme. Etre féministe, c'est avoir du bon sens tout simplement:
    On devrait toutes dire qu'on est naturellement feministe. Quelqu'un qui dit qui ne l'est pas dit en gros qu'il est ok / qu'il accepte de ne rien faire contre la plus grande discrimination sur cette terre. Toutes choses égales par ailleurs (abstraction de travail, couleur de peau etc), une femme sera toujours plus discriminée qu'un homme. Jusqu'au jour ou ca change, on sera féministe.
    Avec vepsi, on a soutenu La fonation des femmes cette année, une superbe asso qui s'engage de manière vraiment intelligente, tu y trouves parmi tant d'autres sites une véritable inspiration !

    Bref, merci pour cet article ! Et moi aussi j'ai pris un engagmeent pour 2017, celui de tout faire (= ouvrir ma gueule) pour que les gens arrêtent de croire les mensonges des partis populistes tel que le Front National. Qu'ils votent droite ou gauche, mais qu'ils pigent enfin pourquoi voter front national = se suicider en croyant qu'on a "bien fait". J'aurais besoin de courage aussi...

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    1. Salut Naelle !
      Merci pour ton commentaire :) Il est vrai que je suis probablement discriminée, mais comme c'est à une échelle plus minime (et probablement ancré dans les moeurs) je m'en rend moins compte. Alors qu'elle existe.

      J'irai faire un tour sur les sites dont tu parles !
      En attendant, je pense qu'en 2017 beaucoup de gens vont prendre cette bonne résolution de l'engagement. Alors soutenons-nous !
      La bise ;)


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  5. Je comprends ce que tu veux dire lorsque tu parles de légitimité. Je suis comme toi, caucasienne (blanche comme un lavabo, ça va aussi :)), classe moyenne, finalement pas tant une minorité que ça, à première vue. C'est difficile, car on est des femmes, on subit le sexisme, le misogynisme des hommes, mais on n'est pas considérées comme une véritable minorité car on bénéficie des privilèges qu'ont les blancs, donc finalement on perd toute crédibilité aux yeux des autres parce qu'on n'est pas assez maltraitées. J'avais un jour lu un texte qui parlait justement des privilèges, mais plutôt d'un point de vue couleur de peau, mais je pense que l'idée fonctionne pour plein d'autres sujets : les privilèges, on les a, qu'on le veuille ou non (on ne choisit pas à quoi l'on ressemble, d'où on vient),par contre, on choisit bel et bien comment on utilize ces privilèges. Cependant, cela demande un certain engagement, ce qui implique, par exemple, mais pas que, d'intervenir dans des situations où on est témoin de racisme, sexisme, agressivité, etc.

    Dans Le Deuxième Sexe, Simone de Beauvoir dit que le problème c'est que les femmes ne partagent pas une histoire commune, une culture commune, contrairement à d'autres groups opprimés comme les juifs, noirs, etc. et que c'est pour cela qu'on a du mal à se serrer les coudes car on ne se voit pas comme un groupe soudé. Je pense qu'il faut vraiment qu'on prenne conscience de cela et qu'on change les mentalités petit à petit, qu'il s'agisse de celles des autres femmes ou de celles des hommes. C'est une problématique compliquée mais je trouve cela courageux de ta part d'en parler :). xx

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    1. Salut Adèle !

      En ce moment je me sens coupable d'être privilégiée, mais tu as raison, ce qui compte c'est ce qu'on en fait !
      Justement je comptais parler de cette fameuse solidarité féminine, ou plutôt absence de solidarité. Je serai peut-être maladroite dans mes propos, mais autant essayer d'en parler !

      La bise :)

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  6. Bonjour Inès et merci pour cet article, je m'y suis beaucoup retrouvée :) Comme toi, je ressens souvent ce "complexe de légitimité" et je me torture parfois l'esprit en me demandant si j'ai le "droit" de penser telle ou telle chose. J'essaie toutefois de prendre un peu de recul en arrêtant de vouloir me faire rentrer (moi et les autres d'ailleurs) dans une case. Quand je me sens perdue face à toutes ces questions, j'essaie de me dire : je ne suis pas féministe, je ne suis pas flexitarienne, je suis juste moi, avec mes propres convictions et valeurs que j'essaie de défendre au mieux et je n'ai de compte à rendre à personne :)

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    1. Salut Sarah :)
      Je vais également essayer de revendiquer mes conviction, tout en restant ouvertes à celles des autres (mis à part la connerie) !
      La bise :D

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  7. Je te découvre via la une du jour. J'en ai marre qu'on décide que certaines personnes sont plus légitimes que d'autres dans certains "combats" comme le féministe. On milite pour plus d'égalité, une femme blanche de la classe moyenne est tout autant légitime que n'importe quelle autre femme même si elle n'a jamais connu de discrimination.

    Je n'ai donc qu'un conseil à te donner: fonce !

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  8. Moi aussi je te découvre grâce à Hellocoton :-)
    Ce qu'il y a de difficile avec le féminisme, c'est qu'il y a plusieurs courants, différents modes de pensées, des modalités d'action différentes.
    Pour moi, comme pour Catwoman, il n'y a pas une meilleure façon d'être féministe qu'un autre du moment que toutes et tous ensemble, nous avançons pour réduire les inégalités entre les femmes et les hommes.
    Et ces inégalités touchent toutes les couches de la population alors vas-y, laisse parler la féministe qui est en toi !!!
    Et puis, si un jour tu as un doute sur tes propos, n'hésites pas à nous solliciter pour avoir notre retour.
    Et bravo pour ce coming-out féministe ;-)

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    1. Merci ! :D

      Je parle de cela sur le blog pour cette raison : l'échange avec d'autres personnes. Et quand je vois vos commentaires, je suis contente de me lancer là-dedans.

      La bise :)

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Je lis tous vos commentaires, n'hésitez pas à m'en laisser, ça me fait très plaisir :D

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